Accusée d’utiliser les moyens de l’Etat en faveur de son candidat, l’Union pour la république (UNIR) se défend. “Que ceux accusent UNIR d’utiliser les moyens de l’Etat apportent la preuve de leurs accusations”, réagissait récemment le ministre Trimua. Il est donc de bon aloi que certains exemples soient cités pour convaincre Christian Trimua qui a expliqué que ce sont des militants et cadres de UNIR qui ont personnellement mis leurs propres moyens dans la campagne de Faure Gnassingbé.
Le code électoral togolais, en son article 92, dispose que “pendant la durée de la campagne électorale, des emplacements spéciaux seront réservés dans chaque circonscription électorale par l’autorité compétente pour l’apposition des affiches électorales. Dans chacun des emplacements, une surface égale est attribuée à chaque candidat ou liste de candidats; tout affichage relatif aux élections, même par affiches timbrées, est interdit en dehors de ces emplacements ou sur les emplacements réservés aux autres candidats”.
La mairie de Lacs 1 dirigée par, Alexis Aquereburu, un cadre de UNIR, est-elle un bien privé ou public? Le personnel qui y travaille le fait-il pour un parti politique ou pour l’Etat togolais? Que dire des affiches de campagne de Faure Gnassingbé placardées sur la clôture de la mairie de Kloto 1 ? Quid des écoles publiques dont les bâtimen
ts ont été soudainement peintes en bleu et blanc en lieu et place du jaune et marron habituels? Le bâtiment du nouveau collège d’enseignement général jouxtant l’école primaire publique de Soviépé, dans la commune d’Aflao Gakli en est une illustration.
Il est aussi loisible de constater que des écoles sont fermées avec des élèves habillés aux couleurs du parti au pouvoir. Une violation de l’article 36 de la Constitution togolaise qui dispose que “l’Etat protégé la jeunesse contre toute forme d’exploitation ou de manipulation”.
Pourquoi la cérémonie d’inauguration du
centre médico-social d’Akoumapé dans la préfecture du Vo récemment par le chef de l’Etat ressemblait-elle plus à une activité politique du parti UNIR qu’à une cérémonie officielle qui engage l’Etat togolais? L’hôpital de Kpendjal peint aux couleurs du parti au pouvoir et récemment inauguré ne participe-t-il pas des moyens de l’Etat qui servent de publicité électorale?
Même le sport est mis à contribution. Samedi à Atakpamé, Faure Gnassingbé a inauguré la nouvelle pelouse synthétique du stade de la ville. A ses côtés, il y avait le président de la Fédération togolaise de football (FTF), Guy Akpovy, et des gardes du corps habillés en militants UNIR.

Les fonctionnaires qui sont militants de l’ANC, MPDD, MCD, PSR, Santé du Peuple, ADDI, peuvent-ils venir au bureau habillés en t-shirts du candidat de leurs partis respectifs, ainsi que le font ceux qui soutiennent Faure Gnassingbé? Pis, il a été demandé aux fonctionnaires de l’Etat de “descendre sur le terrain”. Actuellement, beaucoup battent campagne pour le candidat de UNIR.
Quand la télévision nationale fait de “grands dossiers” sur les réalisations du gouvernement en période électorale, il s’agit d’un déséquilibre du temps d’antenne accordé aux candidats et donc d’une mise à profit d’un moyen de l’Etat au profit d’un candidat.
Lors des meetings de campagne du parti au pouvoir, il n’est pas rare de voir des agents des forces de sécurité nationales habillés aux couleurs de UNIR. Sont-ils des agents de sécurité privés avec des outils de l’Etat ou des fonctionnaires de la Grande muette soutenant un candidat comme on a pu le voir lors de l’investiture du candidat Faure Gnassingbé, avec des forces de défense et de sécurité, hilaires, scander “un coup KO”?
Le financement public n’est pas une faveur du gouvernement
Aucun des sept candidats n’a encore eu les fonds du financement public promis par le gouvernement. “On a dû réduire les meetings, déclare-t-il. Au lieu de faire des grands meetings, on fait des petits meetings. Chaque candidat aujourd’hui fait avec les moyens du bord. Il s’agit souvent de la participation des amis. Il y a des gens généreux parfois qui apportent leur soutien à des candidats”, s’est plaint lundi Mouhamed Tchassona Traoré, candidat du Mouvement citoyen pour la démocratie (MCD).
Même Christian Trimua, qui joue le porte-parole de Faure Gnassingbé, le président sortant, s’en plaignait ce lundi. “Nous demandons au gouvernement de faire en sorte que nous puissions rentrer dans nos fonds”, s’est lamenté le ministre des Droits de l’homme. Une façon en réalité assez ironique pour lui de répondre à ceux qui accusent le président-candidat de rouler sur les moyens de l’Etat.
La campagne électorale a officiellement démarré le 06 février, mais les fonds du financement public dorment toujours au trésor public. Or, la loi n° 2013-013 du 07 juin 2013 portant financement public des partis politiques et des campagnes électorales dispose que “l’Etat contribue au financement des campagnes électorales des partis et regroupements de partis politiques ainsi que des candidats ou listes de candidats dans le cadre des élections législatives et présidentielles. Le montant de cette contribution est inscrit dans la loi de finances de l’année de l’élection visée. S’il n’a pas été prévu dans la loi de finances de l’exercice en cours, ce montant est fixé par décret en conseil des ministres”.
Le conseil des ministres du 5 décembre 2019 a fixé à 500 millions de francs CFA le montant du financement de la campagne électorale de la présidentielle du 22 février. Ce décret n’ayant pas encore été mis en application, c’est à une campagne à deux vitesses qu’on assiste depuis le début.
A trois jours de la fin de la campagne, même s’ils reçoivent le financement public, les candidats de l’opposition partent à une compétition sans armes égales. Dans ce cas, est-il envisageable que Jean-Pierre Fabre, Agbéyomé Kodjo, Mouhamed Tchassona Traoré, Aimé Gogué, Komi Wolou et Georges Kuessan, dans un élan de solidarité, décident de suspendre leur campagne et exiger que les pendules soient remises à l’heure? Qui des six candidats pour oser le pas vers les autres? L’opposition togolaise est à l’épreuve de son leadership.
Ambroise D.